Ukraine : Poutine pourrait-il se venger en Syrie ?

Russia's President Putin attends a meeting to present an annual government's budget plan at the Kremlin in Moscow

Certains analystes croient que le président russe, Vladimir Poutine, pourrait décider de se venger de sa défaite ukrainienne, en radicalisant sa position envers la crise syrienne.  Le jour où le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé la résolution 2139 portant sur l’envoi d’aides humanitaires aux civils syriens, la situation avait déjà commencé à changer en Ukraine. Les Russes semblent ne plus avoir en main le contrôle de la situation. En outre, les observateurs estiment que dans les semaines à venir,n le Kremlin pourrait décider de remplacer son ambassadeur à l’ONU, Vitali Tchourkin par un nouveau diplomate.

Les experts qui suivent de près la logique selon laquelle les décisions politiques sont prises à Moscou savent que la Russie ne pourra pas rester indifférente par rapport à ce qui s’est passé depuis deux mois en Ukraine. Les événements de Kiev ne laissent pas indifférents les dirigeants russes. Ils ne voient pas dans les agitations à Kiev qui ont fini par la destitution de Viktor Ianoukovitch, une affaire intérieure de l’Ukraine, mais un complot occidental dont l’objectif est d’empêcher la Russie de jouer un rôle international plus important et d’affaiblir sa position par rapport à l’Occident.

Ce qui est difficile à supporter pour le Kremlin c’est que ces événements se sont produits dans un pays comme l’Ukraine que la Russie considérait depuis toujours comme sa chasse gardée, tout près des frontières de la Fédération de la Russie. Tandis que le président Vladimir Poutine avait organisé depuis longtemps les fêtes des Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi, les événements de l’Ukraine ne signifient pour lui, ancien officier de haut rang du KGB, qu’un complot des puissances occidentales contre la Russie. Et ce d’autant plus que le président Vladimir Poutine avait soutenu en personne le grand accord qui avait été conclu avec Kiev pour que le l’Ukraine de Viktor Ianoukovitch s’abstienne un partenaire privilégié de l’Union européenne. Cette décision du président Viktor Ianoukovitch est devenue l’étincelle qui a mis à feu toute la capitale.

En tout état de cause, il serait difficile pour le président Poutine d’accepter que les événements ukrainiens soient simplement un mouvement déclenché par l’opposition pour renverser le gouvernement d’un « dictateur ». En outre, il faut se rappeler que la Russie et l’Occident ont toujours eu des stratégies très claires par rapport à l’Ukraine et sa position privilégiée entre l’Occident et Moscou. Quant aux puissances occidentales, elles ont toujours voulu détacher l’Ukraine du groupe des pays satellites de la Russie soit par son adhésion à l’Union européenne soit par son adhésion à l’Otan.

Lors des événements de Kiev, la décision de l’armée ukrainienne de rester neutre à empêcher la Russie de se servir de ce levier militaire très important pour peser sur les évolutions de son voisin ukrainien. L’Ukraine se trouve, en quelque sorte, enfermé dans les cadres qui sont tracés depuis longtemps par son histoire et sa situation géographique. Ancien République de l’Union soviétique, le pays se sentait, même après son indépendance, encore sous l’influence et la domination de la Russie. En outre, la situation démographique de l’Ukraine explique, en partie, le déchirement social et politique dans ce pays où certains souhaitent l’adhésion du pays à l’union européenne, et certains autres souhaitent un rapprochement plus marqué avec la Russie.

La crise actuelle a éveillé aussi une crise d’identité parmi les Ukrainiens. Le pays se situe exactement sur la ligne de contact entre la Russie et l’Occident : personne ne peut se passer de l’Ukraine, ni les dirigeants russes ni les dirigeants des grands pays de l’union européenne. Dans ce contexte, il y a des observateurs qui disent qu’il existe d’importantes ressemblances entre les deux crises en Ukraine et en Syrie. Ils insistent surtout sur le rôle clé que le Kremlin peut jouer dans les deux dossiers. Autrement dit, il serait très difficile de croire que le jeu pourrait se calmer en Syrie ou en Ukraine sans un accord explicite du président russe Vladimir Poutine. Quant à la résolution portant sur l’envoi d’aides humanitaires pour les civils en Syrie, la Russie a décidé de coopérer avec l’Organisation des nations unies, sans se servir de son veto pour empêcher la réalisation de ce projet.

Pourtant, l’ambassadeur de Russie auprès de l’ONU, Vitali Tchourkin, a pris tous les soins pour empêcher que le texte de cette résolution porte des mots qui pourrait donner un quelconque prétexte aux gouvernements occidentaux pour s’en servir comme une autorisation à agir en dehors du cadre de la légalité de l’organisation des Nations unies. Pourtant, la Russie n’a pas insisté sur la clause qui devait approuver l’envoi d’aides humanitaires en Syrie via la frontière des pays voisins. En outre, Moscou n’a pas empêché que le texte de cette résolution onusienne blâme le gouvernement du président Bachar al-Assad pour les bombardements aériens et l’encerclement des positions des rebelles armés. Certains observateurs estiment que le Kremlin voulait ainsi rappeler au gouvernement de Damas que pour mieux stabiliser sa position, il devrait également faire preuve de certaines souplesses par rapport aux opposants dans les négociations, notamment après l’échec du processus de Genève II.

Quoi qu’il en soit, il ne faut pas exagérer sur le rôle qu’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Surtout qu’en Syrie et en Ukraine, il s’agit d’une confrontation très ancienne entre l’Occident et la Russie. L’élément nouveau qui existe dans tout cela, c’est l’éventualité de l’établissement des liens directs et indirects entre les deux dossiers syrien et ukrainien. Un échec russe en Ukraine pourrait conduire le gouvernement du président russe Vladimir Poutine à adopter une position beaucoup plus radicale en Syrie. Autrement dit, Moscou pourrait encourager le gouvernement du président syrien Bachar al-Assad à chercher la solution finale de la crise dans l’intensification de la guerre contre les rebelles et les terroristes.

Mais un tel changement dans la politique syrienne du Kremlin pourrait changer aussi l’approche des puissances occidentales et le niveau de leur soutien aux opposants armés au gouvernement de Damas. Jusqu’’ présent, les Occidentaux semblent ne pas espérer une victoire militaire des rebelles armés, mais une tentative de leur donner une meilleure position autour de la table des négociations politiques. Pour beaucoup d’experts, tout dépend de la position du président russe Vladimir Poutine et des liens qu’il voudrait ou non établir entre les deux dossiers syrien et ukrainien.

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